Pourquoi la méthode DISC est très critiquable ?
- By Flux Positif
- In Réflexion
La méthode DISC : du Barnum pour l’entreprise
La méthode DISC est un outil populaire dans le monde professionnel, souvent utilisé pour améliorer la communication, la gestion des talents et la cohésion d’équipe. En catégorisant les individus selon quatre profils comportementaux (Dominance, Influence, Stabilité, Conformité), elle promet une meilleure compréhension des dynamiques interpersonnelles.
Cependant, malgré son succès commercial, le DISC est loin de faire l’unanimité dans la communauté scientifique.
Qu’est-ce que la méthode DISC ?
La méthode DISC repose sur les travaux de William Moulton Marston dans les années 1920. Elle classe les comportements humains en quatre grands profils :
- Dominance (D) : orienté vers les résultats, direct et souvent compétitif.
- Influence (I) : centré sur l’interaction sociale, enthousiaste et persuasif.
- Stabilité (S) : orienté vers la coopération, la fiabilité et la patience.
- Conformité (C) : rigoureux, méthodique et soucieux du respect des règles.
Cette catégorisation simple rend le DISC attractif pour les entreprises cherchant à simplifier la compréhension des comportements humains. Je reste convaincu que chercher à simplifier la complexité d’une personne, c’est le réduire à une caricature. L’autre danger, et on le verra, c’est qu’après un atelier en collectif en entreprise, cette personne sera étiquetée dans sa couleur et sera perçue par les autres sans subtilité. Je le sais, je l’ai vécu à une certaine époque de ma vie.
Les limites majeures de la méthode DISC
1. L’absence de validation scientifique
Un des principaux problèmes du DISC réside dans son manque de bases scientifiques solides. Bien qu’il soit largement commercialisé, aucune étude empirique publiée dans une revue scientifique à comité de lecture n’a validé cette méthode.
La seule étude à ce jour est celle réalisée par Everything DISC, filiale du groupe Wiley, principal acteur commercialisant cet outil. Or, cette étude souffre d’un grave conflit d’intérêt et n’a pas été soumise à une évaluation indépendante par des pairs.
En revanche, des recherches plus rigoureuses, comme celle du Cornelius J. König et du Prof. Dr. Bernd Marcus (voir en fin d’article), ont conclu à l’absence de validité psychométrique des questionnaires DISC. Ces études montrent que les résultats fournis par cet outil ne reposent pas sur des bases fiables, ce qui en limite considérablement l’utilité.
2. Un biais évident : l’effet Barnum
Le DISC est également critiqué pour son effet Barnum, une tendance à fournir des descriptions générales qui semblent spécifiques, mais qui pourraient s’appliquer à n’importe qui. C’est ce qui se passe avec l’astrologie, le MBTI, l’ennéagramme ou autre Design humain.
Par exemple, un profil DISC pourrait décrire un individu en ces termes :
L’effet Barnum pour toutes les couleurs
- « Vous avez parfois l’impression que vos compétences ne sont pas reconnues à leur juste valeur. »
- « Vous êtes une personne capable de grandes choses, mais vous avez parfois tendance à douter de vous-même. »
L’effet Barnum pour les rouges – dominants
- « Vous aimez prendre des décisions rapidement, mais vous êtes également attentif aux détails importants. »
- « Vous aimez relever des défis, et vous pouvez être frustré lorsque les choses ne vont pas assez vite. »
- « Vous êtes une personne orientée vers les résultats, mais vous savez aussi quand faire preuve de diplomatie. » (un petit peu de vert, ça fait pas de mal !)
L’effet Barnum pour les jaunes – inluents
- « Vous avez un talent naturel pour motiver les autres et établir des relations solides, mais vous appréciez aussi qu’on reconnaisse votre contribution. »
- « Vous apportez souvent de l’énergie et de l’enthousiasme à votre environnement, au risque de vous disperser. »
L’effet Barnum pour les verts – stables
- « Vous êtes une personne fiable et loyale, cependant vous appréciez aussi qu’on respecte votre rythme. »
- « Vous privilégiez l’harmonie dans vos relations, ce qui ne vous empêche pas de savoir aussi poser des limites si nécessaire.”
L’effet Barnum pour les bleus – conformes
- « Vous êtes attentif aux détails et veillez à ce que les choses soient bien faites, mais vous savez quand faire preuve de flexibilité. »
- « Vous aimez analyser les situations avant de prendre des décisions, tout en étant capable de vous adapter rapidement. »
Pourquoi ces descriptions fonctionnent-elles ?
- Effet de double validation : les affirmations incluent souvent des traits opposés (ex. : ambitieux mais prudent), ce qui augmente les chances que le lecteur s’y reconnaisse.
- Effet de flatterie implicite : les descriptions sont généralement positives, ce qui les rend encore plus acceptables.
- Description universelle : elles évoquent des sentiments ou des expériences communes que la majorité des personnes ont déjà vécues ou exige à minima. L’exemple flagrant : “Besoin d’être respecté” mais qui apprécie l’irrespect envers soi ?!
Ces affirmations paraissent personnalisées, cependant elles sont suffisamment vagues pour convenir à presque tout le monde. Cet effet Barnum peut tromper les utilisateurs en leur donnant l’illusion d’une analyse approfondie alors qu’il s’agit d’une simple généralisation.
Pourquoi le DISC reste populaire malgré ses limites ?
Simplicité et accessibilité
Le DISC séduit par sa facilité d’utilisation et ses résultats rapidement exploitables. Sa catégorisation en profils de couleurs distincts simplifie la communication des résultats, même si elle manque de nuance.
Une forte promotion commerciale
Le succès du DISC s’explique également par les efforts marketing massifs des entreprises qui le commercialisent. Ces dernières mettent souvent en avant des témoignages positifs ou des études internes (non validées scientifiquement) pour renforcer sa crédibilité. Ces entreprises exploitent la preuve sociale (croyance) plutôt que la preuve scientifique pour vendre. La frontière entre les sciences et les pseudosciences est très vague pour le grand publique et les entreprises.
Quelles sont les alternatives au DISC ?
Les entreprises gagneraient à privilégier des outils validés par la communauté scientifique, pour le recrutement, comme :
- Le Big Five : Ce modèle psychométrique, largement reconnu, repose sur cinq grands traits de personnalité (Ouverture, Conscienciosité, Extraversion, Agréabilité, Neuroticisme). Il est scientifiquement éprouvé et offre une analyse beaucoup plus précise.
- Ou faire appel à des entreprises comme Central Test qui propose des tests de personnalité validés par la méthode scientifique.
Les entreprises devraient animer leur team building à partir d’outil incitant à la réflexion, au questionnement plutôt qu’à l’interprétation simpliste et réductrice (étiquetage) comme le DISC ou le MBTI.
Voici quelques exemples qui ouvrent plutôt qu’ils n’enferment, respectueuse de la complexité humaine :
- Ateliers de photo-langage : elle favorise la réflexion sur soi, la communication et les dynamiques de groupe, sans prétendre catégoriser les individus de manière réductrice.
- Techniques à base de listes d’inventaires sous forme de matrice ou de cartes : ces approches questionnent en profondeur sur sa vision du monde matérialisée par un verbatim signifiant autour de ses croyances, ses convictions, ses besoins, ses valeurs, ces forces, ses compétences etc. C’est ce que je privilégie chez Flux positif ( comme par exemple dans l’alternative au bilan de compétence avec le Design de carrière).
Conseils pour une utilisation responsable
- Ne pas considérer le DISC comme une vérité absolue
Utilisez le DISC comme un outil pour engager des discussions sur les comportements, mais jamais pour aider pour prendre des décisions importantes.
Cela serait discriminatoire et risqué pour le collectif de le faire lors d’un recrutement, une réorganisation, une constitution d’équipe ou un choix de responsable. - Former les managers à une approche nuancée
Une mauvaise interprétation des profils DISC peut créer des stéréotypes et nuire aux relations professionnelles. Assurez-vous que les animateurs ou consultants expliquent clairement les limites de l’outil.Dans la réalité, une fois les consultants partis, la simplicité de l’outil amène toutes les personnes à stéréotyper son entourage et les réduire aux comportements attendus par les profils de couleurs.
- Préférer des approches validées
Pour des interventions efficaces, privilégiez des outils reconnus par la science, comme le Big Five, ou des méthodes créatives et empiriques favorisant une réflexion profonde et individualisée.J’ai été formé aux styles sociaux de la communication persuasive d’Open’Act, une méthode DISC qui ne veut pas dire son nom. J’ai abandonné très rapidement cette méthode pseudoscientifique, après avoir commandé le livre d’Osgood aux USA. J’ai découvert que la recherche d’Osgood sur la communication efficace avait été détournée et interprétée de manière fallacieuse. J’en ai conclu que la justification de la méthode des styles sociaux était aussi venteuse que celle du DISC.
Pour terminé, la méthode DISC esun outil juste séduisant et limité
La méthode DISC, malgré sa simplicité et sa popularité, souffre d’un manque de rigueur scientifique et de nombreux biais. Pour des analyses comportementales fiables, il est essentiel de privilégier des outils validés par la recherche, comme le Big Five, ou des techniques favorisant une réflexion véritablement constructive.
Les entreprises, en misant sur des approches établies sur des outils empiriques ou des tests reconnus par la communauté scientifique, peuvent réellement améliorer la cohésion d’équipe et la gestion des talents.
Quelques sources complémentaires :
En savoir plus sur
Pour aller plus loin sur l’étude de König et Marcus:
L’étude est une TBS-TK Rezension (une évaluation selon le système de test du Diagnostik- und Testkuratorium) intitulée Persolog Persönlichkeits-Profil, rédigée par le Prof. Dr. Cornelius J. König de l’Université de la Sarre et le Prof. Dr. Bernd Marcus de l’Université de Hagen. Cette évaluation a été publiée dans le numéro de juillet 2013 de la revue Psychologische Rundschau.
Le Persolog Persönlichkeits-Profil est la version allemande du modèle DISC.
Dans leur évaluation, König et Marcus soulignent plusieurs points critiques concernant la rigueur psychométrique de cet outil :
- Objectivité : Bien que des directives détaillées soient fournies pour l’administration du test, l’instruction manque de précision quant au contexte spécifique auquel les participants doivent se référer lors de l’évaluation, ce qui peut affecter la comparabilité des résultats.
- Fiabilité (Reliabilité) : Les données de fiabilité rapportées proviennent principalement de versions normatives du test, alors que la version actuelle utilise un format ipsatif. Cette incohérence rend difficile l’évaluation précise de la fiabilité du test.
- Validité : Les preuves de validité sont limitées et reposent sur des études utilisant des formats de réponse différents. De plus, il manque des validations empiriques concernant la pertinence pratique du test, notamment pour sa capacité à prédire des critères professionnels pertinents.
En conclusion, König et Marcus mettent en évidence des préoccupations quant à la rigueur psychométrique du Persolog Persönlichkeits-Profil, suggérant que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer sa validité et sa fiabilité dans des contextes appliqués.
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